samedi 28 avril 2012

Un piston fonfon...

J'étais à deux doigts de vous annoncer la bonne grande nouvelle.
Je repasserai...

Il y a quelques mois de cela, j'ai fait la connaissance d'un Gentil Monsieur, l'ami des amis de mes parents.
Faisons les présentations :
Mamounette : intello-ex prof de philo, sortie tout droit d'une éducation assez stricte.
Papounet : Titi Parisien issu de la famille Zola, sorti de la misère en se formant tout seul pour devenir commerçant et Super Power Papounet.

Autant dire que ces deux là n'avaient rien en commun pour s'unir. Et pourtant !
S'ils ne font pas partie du "milieu" journalistique, ils sont peinés de voir à quel point je galère. Ils font tout pour me soutenir et m'aider à garder le moral. S'ils ont chéri mon enfance, je m'assume seule et je ne leur demande aucune aide financière.
A leur "petit" niveau, Mamounette et Papounet ont tenté de m'aider en évoquant ma situation à un couple d'amis qui m'a donc mise en relation avec le Gentil Monsieur.
Appelons une mouette une mouette, cette mise en relation n'est rien d'autre qu'un "Piston".
Piston auquel je n'ai jamais recours, mais au regard de ma situation qui s'étiole de jour en jour, tout est bon dans le Cochon !

Le Gentil Monsieur aux allures d'Hercule Poirot est à la retraite, après avoir roulé sa bosse comme journaliste dans la presse médicale.
Des yeux bienveillants et intelligents, une écoute attentive sur mon parcours du combattant pour retrouver un travail.
Et ses trois petits mots qui m'ont touchée en plein coeur : "Je ne vous lâcherai plus jusqu'à ce que vous retrouviez un travail".
Oui, touchée en plein coeur. De nos jours, les mains tendues sont plutôt rares.
Chacun se tourne le dos, bras croisés, mains repliées sur elles-mêmes.
Tournons-nous le dos.
Tournons en rond.

Monsieur Hercule Poirot est ami avec le réalisateur d'une émission de Santé sur France 5.
Il transmet mon Cv (Cv que j'avais d'ailleurs adressé plus d'une fois à la boîte de production, sans réponse) au Monsieur réalisateur qui m'appelle hier pour m'expliquer le fonctionnement de l'émission.

1/ mon profil de journaliste presse magazine ne colle pas. Il ne recrute que des journalistes sachant manier la caméra.
2/ l'émission a bien un site internet en parallèle, traitant de sujets que je connais par coeur, mais l'équipe est limitée, au complet, ils recrutent surtout des stagiaires.

A l'autre bout de mon portable, il doit m'entendre pousser de faibles "hum hum, je comprends".
Dépitée, faiblarde, je me force à donner le change, je prends une voix enjouée, je remercie, je n'hésite pas à rappeler qu'en cas de besoin, je suis dispo !

Et je raccroche en me disant que vraiment, ce n'est pas de chance, je suis cataloguée, rangée dans une petite case dont il semble impossible de s'échapper.
Petit oiseau pris au piège dans sa cage dorée.

Que dois-je faire, à la fin ???!!!

D'accord, je suis journaliste pour la presse magazine, mais est-ce que cela signifie que mon cerveau n'est pas apte à s'adapter à toutes les situations ? Aux yeux du monde du travail, suis-je donc incapable de bifurquer, moi la curieuse, la passionnée travailleuse acharnée ?

Suis-je donc réduite à seulement dix petits doigts galopant sur un clavier d'ordinateur ?

L'idée m'effleure de bidouiller mon Cv en fonction des opportunités qui s'offrent à moi.
La prochaine fois, je n'oublierai pas d'ajouter une expérience de vendeuse chez Ikéa, caissière chez Monoprix ou serveuse à l'hôtel Costes car même de ce côté-là, il semblerait que le Commerce ne veuille pas de moi.
Comme si une journaliste-auteur ne pouvait pas servir les autres, tenir un plateau, tendre des coupettes de champagne-piscine ou taper à la caisse !
Si, je peux le faire ! Je veux juste retrouver un travail, me sentir utile et épanouie.
Je veux TRAVAILLER !

Décidément, même les pistons ne fonctionnent plus.
Des pistons font font,
Trois petits tours et puis s'en vont.

Dernière option : penser à partir élever les cochons dans les montagnes Corse et vendre de la charcuterie sur les marchés.



Oups, je m'interroge : faut-il également avoir suivi une formation ou une expérience significative dans la Cochonnaille pour exercer ce job du Terroir, ou bien ?



mardi 24 avril 2012

L'Acne a failli me trouver un job


Si nous parlions un peu chiffons ?
Dans le monde impitoyable de notre crise, il est parfois bon d'être piqué par la mouche Futilité.

Nous allons aimer le jean Acne, une merveille de tissu seconde peau qui enrobe et sublime les courbes, affine la gambette, galbe la silhouette et le popotin comme ce n'est pas permis.

La deuxième boutique parisienne a ouvert il y a quelques mois.
Sans être une acheteuse compulsive, j'aime les fringues. Même si le shopping relève du fantasme depuis quelques temps, même si mon porte-monnaie n'est plus qu'un trou béant et si je rêve de posséder la garde-robe de Carrie Bradshaw, ma curiosité de (ex ?) journaaaaliste m'a poussée à y faire un tour.

Spacieux, épuré, chaleureux, moquette moelleuse : le sanctuaire suédois du Jean Sublimateur de Formes est tout cela à la fois. L'accueil est polyglotte, les vendeuses rock et jeunettes, agréablement souriantes.

Bambou m'a accompagnée entre deux dossiers de cambriolages. Quitte à s'amuser, autant que ça soit entre fifilles programmées en mode "Famine Shopping".
Elle voulait vérifier si la légende du jean Acne n'était pas du flan. Mais elle a eu la flemme de franchir la porte de la cabine d'essayage.
J'ai testé, nous avons approuvé.
Essayer ce jean, c'est ne plus pouvoir le quitter.
Toutefois au prix d'un certain effort physique. Car pour le porter bien slim et qu'il ne se détende ni au lavage ni à la longue, il est important de le choisir une taille en dessous, donc "de souffrir des os du bassin pendant 2 jours", dixit une vendeuse.
Voilà voilà.

Allons-y pour une taille en dessous.
Pour remonter la fermeture éclair, mon corps se contorsionne légèrement, je sautille, j'ordonne à mon ventre de disparaître, Bambou me fixe d'un oeil mi-clos, mi-perplexe, j'ai chaud, le chignon bancal, le rouge se bouscule sur mes mates pommettes, non, je vous assure, rien de bien méchant.
Juste un peu la trouille pour mes petits os du bassin...

Chaussures futuristes "Escabeau" prêtées pour la séance d'essayage, hou la ! 
D'essayages en essayages, je finis par sympathiser avec une des vendeuses. Nous l'appellerons Priscilla.

Le monde est mini.
Comme moi, Priscilla est journaliste. A une différence près, et de taille : elle est maman depuis peu. Elle en a eu ras la casquette de courir après les piges (traduction : écrire des articles à la demande) ; piges de plus en plus rares qui n'assuraient pas un salaire régulier.
Comme elle dit, être vendeuse chez Acne, "c'est avoir eu la chance de décrocher un vrai contrat, ne plus angoisser à chaque fin de mois pour mon bébé et pouvoir travailler dans un cadre plaisant".

En quelques minutes, une bise de solidarité nous unit. Priscilla me tend une carte sur laquelle elle gribouille le nom de l'un de ses "amis", rédacteur en chef d'un magazine, en me glissant : "Appelle-le de ma part".

Quel heureux hasard, quelle belle attention !

Le lendemain, je décide d'appeler le fameux ami de Priscilla. Je cherche son téléphone dans le magazine en question, je ne le trouve pas... Je le "googlelise" pour vérifier son identité, je furète dans les autres magazines.
Rien de rien.
Un coup de fil ? J'appelle la rédaction du mag, heu... il n'y a jamais eu "d'ami de Priscilla" à la rédaction.
Inconnu au bataillon !! C'est Fantomas !

Depuis, Bambou est partie se ressourcer sur l'île d'Elbe. Emportant lunettes de soleil et paréo dans sa valise, mais point de jean Acne.

De mon côté ? Toujours RAS.
L'encéphalogramme de l'emploi reste aussi long et plat qu'une infinie route plantée au milieu du désert californien.

Et le jean sublimateur dans tout cela ? Si son prix à 3 chiffres peut déclencher des poussées d'acné et s'il a failli m'ouvrir un battant de porte professionnel, il est certain qu'il prend possession de votre corps et l'épouse là où il faut pour transcender vos formes et dévisser la tête de la gente masculine, accommodant leur cou d'un joyeux torticolis.

Et même pas mal !


mercredi 18 avril 2012

Respiration


Cendrillon au Bois Dormant

De la gaieté dans la tête sans coup de soleil, pour attraper un coup d'amour, un coup de je t'aime

Fouler la nature et conter fleurette

En rouge, en blanc, de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, le dire avec des fleurs



S'enrouler dans la douceur

Se parfumer et virevolter pour laisser un sillage...
Boutique Creed à Paris, parfumeur depuis 1760. Elégance et Romantisme

Lever les yeux vers le ciel, s'envoler et planer, aérienne
Le plafond de la boutique Creed me laisse rêveuse


samedi 14 avril 2012

un vendredi 13 de chien

J'ai le syndrome de la page blanche, je sèche, ma plume s'assèche, dénutrie de nouvelles fraîches à vous narrer.

Depuis que je suis au chômage, les sollicitations professionnelles se font aussi rares que les sources d'eau dans le désert.
Et pourtant !
En milieu de semaine, j'ai eu droit à mon oasis ! en honorant une invitation pour le sacre d'un coiffeur devenu Ambassadeur d'une marque mondiale de cosmétiques que je ne citerai pas.
Parce que nous le valons bien.
J'y ai fait un tour, curieuse, fraîche et reboostée à l'idée de pouvoir faire de nouvelles rencontres professionnelles.
Je me suis dit : "on ne se laisse pas aller, on y va, ce soir, tout peut arriver !"

Franchement ? J'ai déchanté. Je me suis demandée si je ne m'étais pas trompée d'endroit.
J'ai assisté à un ersatz de cocktail mondain, planté dans le décor rose bonbon d'un riquiqui salon de coiffure. Je suis restée figée comme un clou rouillé, au milieu de tous ces gens paradant, au look Rêve de Cuir, au teint blême et à la pupille dilatée, au nez poudré et repoudré, survoltés au Guronsan, à la cortisone ou je ne sais quoi d'autre.

Sur une ambiance Techno Danse, j'ai vu défiler des plateaux de Ferrero Rocher, de coupettes de champagnes et d'amuse-gueules, un bouledogue anglais et un chihuahua aboyant à s'égosiller.

Puis vint le défilé de pseudo-mannequins anorexiques et choucroutés, présentant la Fashion Façon dont le Coiffeur Ambassadeur maniait ciseau et laque.
Je suis restée 30 minutes et j'ai filé, pétrifiée d'ennui et de vide.

Vendredi 13.
Jour de chance ? De malchance ? Ni l'un ni l'autre. La journée fut aussi neutre que la Suisse.
Enfin, presque.
Ce matin, molle comme une guimauve, un bref entretien pour un job m'a extirpée d'une drôle de léthargie. Pour le même site internet qui m'avait clamé des promesses d'écriture pour un sac de cacahuètes périmés.
Le Recruteur, en l'occurrence une jeune fille sympathique de mon âge, a voulu me revoir !

Nichés quartier Montparnasse, au 7ème étage (vais-je enfin accéder au Paradis ?) les locaux de l'entreprise offrent une vue panoramique époustouflante sur les toits de Paris et sur la magnifique Dame de Fer.
Wouaou ! Je n'ai pas osé dégainer mon appareil photo pour vous faire profiter du spectacle.
Je n'étais pas venue en touriste mais en demandeuse d'emploi déguisée.
Car la règle reste d'or : ne jamais révéler mon Chômage.

Le spectacle donnait à peu près cela :


L'entretien est cool, le courant passe bien. Le Recruteur me propose d'écrire un article par semaine. Liberté totale du ton et du sujet, bref un job free lance, mais point de CDI devenu fantôme.
Oui, oui, oui le projet m'emballe !
Bizarrement, je ne fais pas des sauts de cabris.

Le recruteur n'a pas idée de son budget Salaire, il doit revenir vers moi.
De mon côté, j'ai une très nette idée du lance-pierres qui me guette.

Au fond de moi, je pressens une nouvelle et usante bataille de négociation. 
Suis-je trop exigeante ? Je ne crois pas.
Au bout de 15 ans de vie pro, je voudrais juste être reconnue à ma juste valeur, ni plus ni moins.

Je me sens lasse, je me traîne, pas d'entrain, fatiguée.
Je pense "c'est normal, c'est vendredi 13".
Mon énergie gourmande n'est pas au rendez-vous.

En sortant, j'aurai dû entrer dans un tabac et gratter une grille de Loto.
Je me suis abstenue, je ne gagne jamais.

Au lieu de ça, je suis partie chercher Chien-Chien chez Mister G.
Mister G a migré quelques jours sur l'île de Beauté pour faire des photos ; à moi le gardiennage !

Je vous présente ?
Chien-Chien est un mélange de Jack Russel et de teckel, un amour d'intelligence qui penche le museau quand on lui parle. Au moment où je vous écris, il dort profondément et doit rêver d'un os de poulet géant ou d'une chasse aux pigeons parisiens ; il émet de drôles de jappements.


En regardant Chien-Chien, je me demande si je ne devrais pas me lancer dans la lucrative entreprise Canine.
Un chien ne réclame pas grand-chose, si ce n'est des promenades, une gamelle de grains-grains et des câlins.

L'avantage quand on a un animal, c'est qu'on ne peut pas végéter dans son nid tout un week-end.
On est obligé de sortir pour que Chien-Chien fasse pissou dans les bosquets plutôt que sur le lino.
Nous sommes donc partis nous balader dans le grand bois.
Chien-Chien a fait la gueule de ne pas être avec son maître. Il ne m'a pas écoutée et m'a superbement ignorée.
Du coup, demi-tour, retour au nid où je me suis fait les oreilles de Lapin... Après le fiasco de Pâques, j'avais bien droit à ma pause chocolat !


Tout en faisant un sort à Lapin, j'ai feuilleté mon agenda.
Les semaines à venir ressemblent à un immense océan de néant dans lequel je pourrais me noyer avec allégresse.
Le creux de la vague.
Affligeant.

Par instant furtif me frôle l'idée que, finalement, je suis bien dans mon nid, au chaud, que le chemin du travail me paraît aussi vertigineux que l'Everest.

Par instant fugace, je me plais à ne rien faire, moins je fais, moins j'ai envie d'en faire...
Je me sens coupable d'être envahie par cette flemme soporifique.
Mais quel soulagement de vous l'écrire !

Par instant de grande perplexité, je me dis que mon étrange quotidien tangue à la manière d'un frêle paquebot tentant de maintenir le cap sur une mer agitée. A quand le retour au calme et à l'équilibre ?
Je commence à avoir le mal de mer.

Je m'interroge doublement : la société m'injecterait-elle, à mon insu, des mini-doses de son sérum décourageant et apathique ? Réduisant ainsi ma passion de la plume à de simples croquettes pour Toutous?








mardi 10 avril 2012

Pâques, Pacotilles

Par un samedi après-midi d'une humidité pénétrante de froideur, j'ai migré sur une péniche flottant au nord de Paris pour assister à un goûter décalé : un concours de Master Tcheurek.


Le Tcheurek est une délicieuse brioche arménienne traditionnelle, réalisée par nos mamies la veille de Pâques, dont la recette se transmet de génération en génération.
Bizarrement, le Tcheurek n'est pas fourré de gras, mais plutôt "maigre" en calories.
Hum hum, je me comprends...

J'ai fait embarquer mes amis fous Daddy et Mimi suivis, quelques heures plus tard, de Belinda qui peut enfin se déplacer sans hurler de douleur. Lolo, mon amie d'enfance, était là aussi, affairée au buffet.
Triple chouette, on va bien s'amuser !

Si du sang arménien alimente mon petit corps, je n'ai pas été élevée dans la tradition de mes origines. C'est bizarre, plus les années passent et plus je ressens le besoin de "m'enraciner".

Au total, 20 brioches en compétition, un jury de 5 personnes, trois prix et des cadeaux.

Gloutonne comme je suis, dois-je vous préciser que je les ai toutes goûtées ?



Coup de foudre pour la numéro 18 qui m'a transportée dans la sphère doucereuse de mon enfance. Empreinte de la même saveur que celle dégustée chez Mamie Doux. Frissons régressifs de plaisir et d'émotion.
Je me suis fait "tcheureker !".


La péniche s'est emplit d'une musique orientale pour nous déhancher, de grands sourires, d'enfants brailleurs, de jeunes et de moins jeunes, de Mamies Doux au sourire espiègle, bref d'une grande famille joyeuse et douillette au sein de laquelle on se sent au chaud et à l'abri.

Après une nuit à rêver de brioches volantes, incrustées d'amandes grillées, de sésame et de graines de pavot, je me lève comme une fleur pour me préparer au repas dominical dans ma banlieue natale.
Mamounette est à cheval sur les fêtes familiales. Pour elle, Pâques rivalise avec Noël.
Petite confidence : entre l'Ascension, la Pentecôte, la Toussaint et la résurrection du petit Jésus, mon côté athée fait que je m'emmêle les pinceaux avec les fêtes religieuses.
Déjà, à l'époque de mon catéchisme, je préférais bouloter des paquets de bonbons avec mes copines plutôt que d'écouter l'éducatrice proférer que la Sainte-Vierge avait enfanté par l'opération du Saint-Esprit. Mouais.

J'arrive donc chez mes parents toute guillerette de mon samedi embrioché.
J'embrasse doucement ma fragile Mamie Doux qui plisse ses yeux inquisiteurs et me balance : "mais qui vous êtes vous ?". Bon, Mamie Doux ne me reconnaît plus, Pâques débute mal.
Papounet me rassure : "ne fais pas attention, elle fait la comédie, elle t'a très bien reconnue".

Voilà voilà, Mamie Doux n'a pas du tout Alzheimer, elle a décidé de nous la jouer Tatie Danielle.
Elle aurait pu donner des cours d'Actor Studio tant elle porte en elle la fibre artistique des grandes comédiennes.

Ma cousine Valou est de la partie. Nous ne sommes pas vraiment intimes, nos vies et nos centres d'intérêt sont aux antipodes, nos discussions proches de celles de deux bulots, mais c'est toujours sympa quand nous nous retrouvons.

En la voyant, je constate que Valou a les larmes au bord de ses yeux lagon, des cernes ridées au milieu de ses joues creusées par les soucis et des nuits contrariées.
Je me dis que la vie ne doit pas beaucoup la choyer.

Dehors, le ciel est bas et lourd, je présume la température maussade. Tout comme celle de l'ambiance qui se dégrade lentement mais sûrement.
Entre la salade de champignons et le plat de lotte, Valou nous confie les atroces douleurs de ses prothèses mammaires PIP retirées, ses deux kilos en trop à cause de l'arrêt de la cigarette, son emphysème, son mec qui vient de la larguer après 20 ans de vie commune, ses deux enfants, la maison en vente, sa solitude et ses larmes.
Je suis en train de déjeuner, merci pour tous ces détails sanguinolants.
Soudain, j'ai eu un doute. J'ai cru que Valou allait relever son tee-shirt de pêcheur, rayé blanc-bleu, pour nous montrer ses seins striés de cicatrices. 
Et là, sans doute me serais-je délestée par la bouche de mes brioches arméniennes avant de m'évanouir.
Bien lui en a pris, elle s'est abstenue.

Arrivent les macarons, les chouquettes et le sorbet à la fraise.
J'y vais mollo, je pense aux kilos de Tcheurek de la veille éparpillés quelque part entre mon ventre, mes hanches et mon popotin.

Valou parle sans discontinu, le flot de ses propres paroles l'emporte. Impossible de l'arrêter.
Elle a grand besoin de se confier, je comprends. Elle me fait peine.
Elle enchaîne avec les histoires de maladies de la voisine de sa coiffeuse, les coups bas de son ex-belle-famille psychopathe. Vraiment, elle n'est pas gâtée.

Pâques et ses oeufs en chocolat se sont vite transformés en Mater Dolorosa et la recherche d'un lot consolateur.

D'un coup, Papounet s'est volatilisé dans le salon pour regarder un match de foot. Nous sommes restées entre femmes, Mamie Doux a retrouvé sa tête et tous ses souvenirs, prodiguant des conseils à Valou. Et Mamounette l'a écoutée, patiente, compatissante, attristée.
De mon côté, j'ai tendu l'oreille et tenté quelques conseils, sans effet. Pour neutraliser les mauvaises énergies qui commençaient à tordre mon bidon, j'ai tenté de visualiser mon cours de yoga et sa salutation au soleil, tout en psalmodiant intérieurement.

Je pensais finir ma journée sur une note positive. Ne rêvons pas !
Voilà que la voisine Fée Carabosse sonne à la porte. Cette grande gigue septuagénaire aime parler de la vie après la mort, de maladies et de suicides ("la corde, le gaz ou les cachetons ?", dixit).
Valou nous dit au revoir, Fée Carabosse prend le bâton relais de Mater Dolorosa.

Fée Carabosse prétend avoir des talents de cartomancienne. De ses doigts arthrosés, elle vous dégaine ses cartes de tarot marseillais ; et de ses lèvres pincées qui laissent entrevoir une dentition aléatoire et asymétrique, elle vous prédit l'avenir. Mais attention ! Ses talents divinatoires ne peuvent opérer que si elle lit scrupuleusement le petit livre explicatif qui l'accompagne.

Enfin un peu d'amusement, j'ai demandé à Fée Carabosse de voir clair en mon avenir.
Elle ne sait rien de ma vie professionnelle en déconfiture... je vais me régaler.



Soudain, à la deuxième carte, elle me regarde et me lance dans un rictus qui n'annonce rien de bon :

"Tu as vieilli".

Et Joyeuses Pâques Félix ! Je ne m'attendais pas à celle-là ! Fée Carabosse ne m'a pas vue depuis dix ans, forcément, j'ai dû changer entre temps. Elle aussi, non ? Pas besoin d'être devin pour avancer une telle banalité.

Elle poursuit.
Fée Carabosse ne voit rien sur ma situation actuelle, ses interprétations sont approximatives.
Tout de même, elle me prédit de prochaines rentrées d'argent, un choix professionnel à faire, de beaux projets à venir. Et rien sur l'amour passé, présent, futur.

Elle range son tarot et m'assure que mon jeu est excellent.
Mais Fée Carabosse aime bien que tout ne soit pas trop lisse et idyllique, il faut toujours qu'elle essaie de trouver un os dans la moulinette. Elle me donne le coup de grâce sans que je lui demande son avis :

" pour résumer ton jeu, je vois que tu n'es pas heureuse et épanouie en amour".

D'accord, et qu'est-ce qu'elle en sait ? A me voir, même si j'ai mes galères et mes moments de doute, je n'ai vraiment rien d'une dépressive.
Est-ce sa façon de me rappeler qu'à bientôt 35 ans, je ne suis encore ni mariée ni maman, ou de me signifier que je mène une vie honteuse de débauchée célibataire au chômage ? Suis-je, à ses yeux, la pauvre fille qui ne suit pas le droit chemin ?
Quel manque de délicatesse. Les gens ne se rendent-ils pas compte que leurs mots peuvent se transformer en flèche blessante et raviver de douloureux souvenirs ?

Grand silence. Mamounette, qui croit que le destin se résume à un jeu de Tarot, a l'air inquiet et désolé pour moi.
J'ai envie de rire mais je me retiens.
J'explique à Fée Carabosse que cela fait un moment que j'ai nettoyé mes casseroles remplies de peines amoureuses. Que le passé malheureux et mes dix ans de concubinage sont loin derrière moi. Tout va bien aujourd'hui, merci.
Fée Carabosse n'en démord pas. Elle me regarde avec pitié. Je n'insiste pas, aucune envie de la convaincre.

J'ai repris le RER sur les rotules, pour retrouver mon nid. Exsangue, j'ai quand même décroché mon téléphone pour raconter ma journée folklorique à Belinda et les prédictions de Fée Carabosse.

Nous avons bien ri, nous disant que si nous vieillissons - que pouvous-nous contre le temps qui passe ? - notre autodérision et notre bonne humeur nous sauvent de quelques rides malheureuses.
Et même si le temps finit toujours pas laisser sur le visage les empreintes du chemin parcouru, il n'a pas encore réussi à affadir notre regard pétillant de vie.

Dans tout ça, les cloches n'ont pas sonné et les oeufs en chocolat me sont passés sous le nez !











dimanche 8 avril 2012

Mon cocktail Extra

Tel un pain surprise, j'ai eu droit à ma petite journée garnie !
Mercredi : coup de fil impromptu de Laurent, copain d'enfance de mon frère que je n'ai pas vu depuis des décennies.
Ce passionné de cuisine a monté sa petite entreprise de traiteur qui ne connaît pas la crise.
Il lui manquait du personnel pour assurer le cocktail d'une soirée d'entreprise.
Si ça m'intéresse ? Heu... Je manie mieux l'encre et la plume que les coupes de champagne mais pourquoi pas. 
Je suis curieuse, j'aime les nouvelles expériences, aller à la rencontre des gens et puis surtout, j'ai besoin d'argent !!!

Ces derniers temps, les offres d'emploi se font fantômes et mes CV prennent la poussière. 
C'est l'encéphalogramme plat. 
Tout le monde me dit que les choses vont se décanter. Comme le vin.
J'espère que mon vin se transformera vite en bon cru et ne tournera pas au vinaigre.

Grand Chef Laurent me rassure : "tu verras, faire le service, c'est pas bien méchant".
Sa consigne : être tout de noir vêtue. 
Ok.
J'arrive à 14h30 devant le lieu du rendez-vous, cheveux relevés en un discret chignon, habillée façon Famille Adams, chaussée de Derby aux talons inexistants pour ne pas avoir les pieds enflés comme des Knacki ball, à force de piétiner.




Le cocktail ouvre ses portes à 18h30 pour accueillir plus de 90 convives.
En attendant tout ce beau monde, nous, les petites fourmis du Service, devons décharger le camion rempli de victuailles, de lourdes caisses de verres, de vins et de décorations en tout genre, dresser les tables.



Je me suis mise à la plonge, à l'éponge et au torchon pour astiquer les verres de mille feux avant d'imaginer une pyramide cristalline coulant à flot.

 

Epatée, j'ai miré Grand Chef ordonner ses oeuvres... Grand Chef excelle dans l'Art culinaire.

Dans ce métier physique qui bousille le dos, la relâche n'existe pas. Grand Chef s'endort souvent lorsque le soleil pointe le bout de ses rayons, pour se réveiller 2 heures plus tard et reprendre les routes de TraiteurMania. Comment fait-il pour tenir ?
La passion, encore la passion, sa femme et ses deux enfants, surtout.



Enfin, les Gens sont arrivés, accueillis par une coupette de champagne et mon sourire aux lèvres.
Puis, j'ai rejoint le "derrière du buffet" pour commencer mon service.
J'ai pensé : mon dieu, Grand Chef a trop cuisiné, il va y avoir des restes. Que nenni nenni !
A la fin d'un discours totalement inintéressant, c'est parti mon kiki, les Gens se sont rués sur le buffet comme s'ils étaient en temps de guerre et de famine.
Ils ont tout englouti à la vitesse du son. Plus une miette à l'horizon !

Affairée à ce que la nappe blanche reste immaculée au fil de la soirée, à combler les Gens en boissons et nourritures, je me suis rendue compte de plusieurs choses :


- c'est fou comme les Gens sont assoiffés d'alcool, répétant à gogo : "une coupe de champagne, siou plaît".
Je ne sais combien de bouchons de champagne j'ai fait sauter, combien de coupes j'ai rempli.
Ce soir là, le champagne a coulé à flot.

- j'ai été fascinée par tous ces Gens discutant tableaux Excel, objectifs à atteindre.
Je me suis rendue compte à quel point j'étais déconnectée de ce monde du travail qui semble ne plus vouloir de moi depuis quelques temps.

Je vous l'avoue, je les ai enviés. J'ai pensé : "whouaou, quelle chance ils ont d'avoir un travail !. Ce soir, ils sirotent et dégustent, demain ils se réveilleront la tête embrumée, se prendront une bonne douche pour désaoûler et enfileront leur costume avant de reprendre le chemin du travail".

- j'ai parfois eu le sentiment de perdre un peu de mon identité devant l'indifférence de certains convives ; ils ne considèrent plus les "serveurs" comme des personnes qui peuvent être aussi passionnés qu'eux. Ils les réduisent à de simples troncs dotés de bras, devant se tenir prêts à dégainer champagne et petits fours.

Le plus dur fut de tout nettoyer et remballer, heureusement dans la joie et la bonne humeur.
Enfin, les douze coups de minuit sonnèrent la fin du service.
Grand Chef rendit sa toque.
Je déclarais forfait.


L'équipe avec laquelle j'ai oeuvré était adorable et passionnée ; souvent, elle cumule deux emplois.
C'est le cas de Lydie qui m'a formée le temps d'une soirée : cuisinière dans une maison d'aides pour personnes handicapées, elle fait des extras pour Grand Chef dès qu'elle a du temps libre. C'est toujours une noix de beurre en plus dans les épinards.

J'ai clamé à Grand Chef que j'étais prête à renouveler l'expérience ! Et puis, c'est toujours un petit billet de pris pour payer mes courses et mes factures.

Retour chez moi à minuit trente, complètement lessivée, le dos en compote de rhubarbe et les jambes enkylosées. A côté de ce métier haletant mais dur physiquement, mon métier de journaliste "popotin assis devant l'ordinateur toute la journée" est une douce utopie.

Avant de sombrer, j'ai chouchouté mon petit corps à l'huile de massage à l'Arnica pour éviter de me réveiller Mémé, les jambes raides et le dos courbé.

J'ai remercié le destin de m'avoir nourrie de cette expérience tout en générosité.
Pour ma première prestation, j'ai pris un immense plaisir à endosser le rôle de "Miss Cocktail".

Et demain, qui serai-je ?














lundi 2 avril 2012

Prenons notre pied !

Dimanche...
... ensoleillé mais encore frisquet.

Biquette, Belinda, Mistinguette et moi, quatre Poulettes parties draguer Paris.
Notre ville adorée nous a prises dans ses ruelles réconfortantes, nous faisant lever les yeux par dessus le ciel pour redécouvrir toute sa beauté...
... avant de tomber en pâmoison devant la Place des Vosges où nous avons décidé de poser nos popotins...






Allongée dans l'herbe, mes paupières se sont inclinées face au soleil qui m'a brûlée, m'intimant l'ordre de laisser mon corps s'apaiser. La rumeur parisienne a fredonné jusqu'à mes oreilles. Bercées par son doux brouhaha, Biquette et moi avons fini par capituler et nous endormir. Enfin un peu de répit.

Je me suis éveillée une heure plus tard, légèrement dans les vapes, les cheveux en bataille, un coup de soleil sur le nez.
Pendant mon sommeil, les pieds des Poulettes étaient venus m'encercler.



Nous avons discuté de tout et de rien, avant d'ouvrir la boîboîte aux mille questions existentielles.

Dans ce parc qui fleurait bon les coeurs légers, les bouches en coeur et les amoureux transis, Biquette nous demandât pourquoi les autres, là, sous nos yeux, avaient droit au bonheur amoureux et pas elle.

Parce que c'est comme ça, c'est la vie, nous ne tirons pas toujours le bon numéro tout de suite.
Entre celui qui ne vous regarde plus vraiment et vous considère comme un meuble coincé entre le frigo et le sèche-linge, celui qui vous dit qu'il est très pris par sa thèse passionnante, thèse qui, en réalité, a l'allure d'une blonde aux seins siliconés, ou celui qui, après 7 ans de vie commune, vous explique qu'il n'est pas certain de savoir ce qu'est l'amour...
... le chemin est parfois longuet avant de tomber sur le bon cheval qui nous fera des promesses de galops éternels.
Il suffit de s'armer d'une lichette de patience et de digérer certaines déceptions...

Car le coeur a ses raisons que la raison ignore. Et ses faiblesses. Encore heureux, nous ne sommes pas des robots.

Dans la boîboîte aux mille questions existentielles, il y avait celle sur le manque.
Nous avons tenté de définir le manque provoqué par l'absence de l'être aimé,... cette douloureuse qui vous maintient au sol, fait remonter l'estomac dans les amygdales, vous susurre de rejoindre le sommeil pour oublier.
Mais le manque est une bourrique qui se mêle de vos rêves plein d'espoir, chahute vos nuits de pensées frissonnantes.
Il entraîne une fadeur certaine, une anémie du coeur, une mollesse du corps, mais point de l'esprit. L'esprit reste plus vivace que jamais, se remémore, plonge dans les souvenirs.
Et le manque se fait plus violent.
Il brouille le système temporel. Les nuits deviennent aussi longues que les jours, la lumière du soleil se transforme en clarté semi-lunaire.
Si tous les stratagèmes sont bons pour tenter d'oublier l'élu de son coeur disparu, ils sont d'une redoutable inefficacité.

Le manque, comme une marque au fer rouge.
Que nous soyons entourés, affairés à nos tricots pour le faire disparaître, le manque de l'Autre génère des bugs d'énergie, de sourires, d'allégresse, des silences endoloris.

Devenir amnésique ?
Impossible !

Serions-nous des drogués ? Oui, des drogués à l'amour !
Dur dur le sevrage.

Biquette pense que le temps fait son oeuvre, que chaque journée passée panse les blessures. Qu'un matin, nous nous réveillons avec la surprise de ne plus avoir mal.
Oui, deux fois oui ! Tout est surmontable.
Nous n'avons pas d'autres choix que de continuer, de tenter d'apprivoiser ce manque en attendant qu'il veuille bien décamper. Et que l'estomac retourne à sa vraie place, laissant nos amygdales dégonfler, nous permettant enfin de déglutir normalement.

Les Poulettes se demandent pourquoi, parfois, rien n'est simple, pourquoi, parfois, le bonheur est piétiné... L'insouciante légèreté de l'être disparaît-elle avec les années ?

Je ne sais pas.

Je sais juste que le manque peut entraîner un bug du coeur. 
Dont la courbe devient linéaire...





Lundi
Je me suis remémorée toutes ces petites questions pendant qu'une copine réflexologue me prodiguait un massage des pieds... La réflexologie plantaire est une première pour moi et je dois dire que c'est étrangement efficace. Au fur et à mesure que ses mains expertes s'enfonçaient doucement dans mes petons pour mieux restaurer mes organes (surtout la vésicule biliaire et le foie, siège de la colère), j'ai senti mon corps s'animer, chauffer, s'exprimer...
J'ai lâché prise, comme si toutes mes cellules, mes organes et mes petits neurones criaient Youpi !!!! de bien-être.

Ma cop's a restauré mes équilibres Ying et Yang, chassé le début d'une douleur cervicale et m'a vivement conseillé de penser à moi.

Me voilà revitalisée, convaincue par cet Art chinois ancestral...
Je suis repartie légère, avec l'unique envie de prendre soin de moi.
Oui, nos petits petons ont de grands pouvoirs, notamment ceux de refermer la boîboîte aux mille questions existentielles et de relancer l'activité du coeur.

Ne jamais les délaisser...

Je vous le dis : prenons notre pied !