Ce matin, coup de téléphone de ma mère. Comme toujours, nous avons conversé de tout et de rien, et principalement de son sujet de préoccupation de mère couveuse et angoissée : mon futur RSA. Pour la énième fois, je tente de lui expliquer que je vais tout faire pour rebondir, mais elle n'entend pas, elle n'entend plus depuis un moment déjà. Elle reste butée, elle fait la sourde oreille sur tout, sur notre société qui a muté depuis son mai 68 à elle, sur le fait que l'ère où les gens étaient embauchés à vie après leur diplôme en poche est révolu, sur la crise féroce qui phagocyte nos budgets et nos esprits, mais surtout sur la tristesse et l'impuissance qui, parfois, me découragent brièvement. Dans un élan d'hallucination, mamounette adorée me suggère de tenter un concours administratif pour entrer dans la fonction publique.
Elle : - "Tu comprends, en tant que FEMME, il est important d'avoir une certaine sécurité, surtout pour ton futur foyer et tes futurs enfants. Et puis la fonction publique t'assurera la tranquillité, un salaire fixe, des vacances fixes"...
Ma bouche forme un O de surprise, je proteste.
Moi : - "Pourquoi en tant que femme, maman, quel rapport ?".
Elle bredouille, a du mal à rattraper sa maladresse... J'ai envie de lui dire que je ne veux pas de tranquillité ou de vacances prévisibles ! Je veux seulement écrire, vivre de ma plume, rester journaliste ! Et pourquoi me préciser EN TANT QUE FEMME ? Faut-il faire une différence entre la femme et le "sexe fort" ? L'homme s'arrogerait-il seul le droit de faire ses choix, de parcourir le monde et les sphères de la réussite pendant que la femme tirerait un trait sur ses désirs et objectifs pour rentrer plus tôt du travail afin de préparer la popote, dépoussiérer et s'occuper des bambins ?
Je m'interrogeais sur les propos canoniques de ma mère et j'obtins quelques éléments de réponse au débat organisé par un petit club dont je fais partie.
Invitée du jour pour la sortie de son livre "Etre femme au travail, ce qu'il faut savoir pour réussir mais qu'on ne nous dit pas": Anne-Cécile Sarfati, rédactrice en chef du Elle.
Débat du jour : Femmes au travail, ce qu'elles doivent savoir pour casser le plafond de verre.
Premier constat : en Europe, les femmes sont plus diplômées que les hommes mais n'accèdent toujours pas aux mêmes responsabilités. Non, pas possible ?!
Deuxième constat et les bras ne m'en tombent même plus : 80 % des tâches ménagères sont encore assurées par les femmes.
Enfin, en cette période de famine économique, les entreprises licencient les femmes en premier... tiens donc, ça me rappelle ma propre expérience...
Finalement, la mixité ne trouverait-elle pas ses racines dans les chaumières, dans la façon dont certaines mères élèvent leurs enfants ? Les garçons apprennent à ne pas pleurer, puis à réussir pour assurer le confort matériel du foyer, tandis que les secondes sont vouées à avoir un boulot pépère, à apprendre à cuisiner et à tenir leur maison bien clean...
Je suis loin d'être féministe mais sans doute les femmes ont-elles un combat à mener : elles doivent cesser de s'auto-censurer et assumer les désirs qui les animent...
Il est tard, je rentre chez moi et je pense à ma mère qui était prof de philo agrégée, passionnée par son métier et qui l'a abandonné pour nous élever, mon frère et moi, pendant que mon père assurait la sécurité financière de toute la familia. Regrette-t-elle son choix, parfois, un peu ? Elle ne nous le dira pas, culpabilité maternelle oblige...
Je pense encore à ses mots, à la stabilité "normale" qui devrait être mienne à 34 ans. Je n'ai pas encore d'enfants et de "foyer" vraiment stable, étant locataire d'un appartement aussi grand que le "petit salon" de 37m2 d'une maison qui en ferait 300...
Et même si j'avais la joie de devenir maman, est-ce que cela changerait vraiment la donne ? Est-ce que je devrais ne plus m'octroyer le droit et, surtout, la liberté d'être ?
Je pense à la femme que je voudrais devenir : une journaliste, écrivain, épouse, amante et mère de famille épanouie et sans galère d'argent, vivant dans un appartement assez grand pour ne pas avoir envie de pousser les murs toutes les 30 secondes...
Tiens, je pense encore que je n'ai pas abordé Anne-Cécile Sarfati à la fin du débat. J'aurais dû en profiter pour lui expliquer ma situation, lui glisser que fut un temps, je pigeais pour son magazine, avant qu'un plan social ne vienne couper les vivres... Je n'ai pas osé, sans doute le moment était-il mal choisi. Peut-être ai-je laissé filer l'occasion...
Je l'avoue, être au Chômage à Durée Indéterminée sape légèrement la confiance en soi. C'est sournois, ce genre de CDI... ça prend son temps, ca vous enrobe le cerveau, vous paralyse sur la durée... mais jamais totalement, non non non, par petites touches, ici et là...
Enfin, je pense à la Comtesse de Ségur. Qu'en aurait-elle pensé, elle, de tout ce cirque ?
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