Voilà, c'est officiel : en ce début d'année bissextile, je serai bientôt inscrite au RSA. Février sera le grand mois ! Celui que je n'attendais vraiment pas ! Celui d'une page qui se tourne ! Le retour à la case – 0 ! Le sentiment d'inutilité qui m'habite par vague depuis quelques temps sera à son apogée ! Gloire à Février ! Gloire au RSA !
Je tiens la lettre de Pôle emploi dans une main, une lettre dénuée d'humanité, je tente de la décrypter, elle me pique un peu les yeux tant les caractères de chaque mot ressemblent à des pattes de mouche, tant les lignes sont resserrées, entassées, il y a des petites cases dans des petits tableaux, il ne faut surtout pas perdre un millimètre carré de cette feuille blanche recto verso gribouillée d'encre noire. Il y a donc des cases à remplir et des photocopies à faire, encore. Marre de la paperasse !
Après tout, que suis-je à part un Numéro identifiant ? Avant d'être une personne dotée d'un prénom et d'un nom, je suis un simple numéro à huit chiffres, numéro qu'il faut rappeler à chaque tentative de connexion humaine avec mon Pôle Emploi. Avant d'avoir un conseiller en ligne, il faut taper 1, puis Etoile, taper 2 puis dièse, avant d'hurler dans le combiné le nom du service concerné. Et j'ai de la chance si, après 5 minutes d'attente et 5 tentatives de rappel, la voix robotisée ne me demande pas de rappeler ultérieurement – tous les conseillers sont en ligne -.
J'ai 34 ans et je cumule 2 profils : je suis une chômeuse parmi tant d'autres qui pointe gentiment tous les mois depuis presque trois ans sur le site de Pôle Emploi et je suis journaliste depuis plus de dix ans pour la presse féminine. J'ai la plume hétéroclite. Attaque de la grippe A, liposuccion du popotin, sclérose-en-plaques, combattre l'acné, les régimes à gogo avant l'été, les aliments anti-cancer, les coups de cœur littéraire du mois… J'écris sur à peu près tout ce que l'éventail d'un magazine féminin peut proposer aux lectrices. Même l'horoscope, je sais faire ! Pendant un temps, je me suis transformée en Madame Irma pour concocter une page Astrologie.
J'écris des livres sur le bien-être et j'essaie de faire éditer mon premier roman, un doux rêve de petite fille… Franchement, il n'y a pas de quoi se plaindre ! C'est drôle, pourtant ce constat me laisse une drôle d'amertume au fond du gosier. Si je rembobine un peu plus le fil du cursus, je me souviens que dans une autre vie, j'ai fait de longues études. Etudes de droit puis stages dans des journaux qui me mettaient la tête dans les étoiles avant de débuter responsable de communication pour une maison éditrice de vieux films… Entre mes débuts dans l'antre du monde professionnel et aujourd'hui, lundi 9 janvier, j'ai enchaîné deux licenciements économiques, des CDD en agences de com', des piges en veux-tu en voilà, j'ai envoyé des candidatures spontanées aux boîtes qui ne demandaient rien à personne et des CV à celles qui recrutaient, j'ai entrepris une formation Radio en début d'année parce que je rêve de faire de la radio depuis la Saint glinglin. Bref, j'ai occupé mon temps libre et profité de mon chômage pour tenter de réaliser mes passions : rester journaliste par tous les moyens, écrire encore et toujours, apprendre à parler d'une voix convaincante dans un micro ! C'est certain, en presque 3 ans de chômage, je n'ai pas chaumé.
Pourtant, le couperet est tombé, malgré tout, malgré ma bonne volonté et mon incurable optimisme. Les grandes vacances ont pris fin, l'été a filé, les jupettes aussi, les gambettes ont de nouveau enfilé leurs leggings confortables pour affronter les affres de l'hiver, le corps s'est mis en veille et mon ordinateur Super PC aussi. Plus une seule commande d'articles à l'horizon, pas une seule réponse positive à mes CV gmailisés. Dorénavant, je dois faire avec : c'est la page blanche, le trou et le pain noir, la période de pleine inactivité.
Comme quoi il est possible d'avoir un bac +6 en poche, d'être journaliste et écrivain et de ne plus pouvoir vivre de son travail, cette passion rêvée en douce avant de la choisir vraiment et de l'exercer pour de vrai.
Je couche mes premiers mots sur ce nouveau blog, il est 23h23, ma télé est branchée sur France 2, c'est le direct de l'émission Mots croisés. Thème du débat : "Emploi : que peut l'Etat ?". Eric Besson, Benoît Hamon & Co débattent, tentent de nous expliquer la crise pour la énième fois, montrent des schémas et des courbes, ils ont la mine un peu lasse et le verbe peu convaincant.
J'écoute d'une oreille un peu sourde, je pense à la Comtesse de Ségur, celle qui a bercé mon enfance, je pense à Sophie, Jean, Paul, tous ses héros qui ont forgé mon imaginaire et m'ont fait rêver…
Je me rappelle de ce titre plein d'espérance "Après la pluie le beau temps" et je me dis que demain est un autre jour…
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