mercredi 21 novembre 2012

3 anniversaires et 1 enterrement


Le mois de novembre célèbre les anniversaires en pagaille.
Certains parents ont dû profiter de l'hiver et du 14 février pour cocooner sous la couette et nous faire de beaux bébés scorpions.
Trois de mes amies d'enfance ont éclos en ce mois frileux : Biquette, Belinda et So.

Biquette et So viennent d'entamer leurs 35 ans, Belinda ses 36 printemps, à une année près et quelques jours d'intervalle.

Le temps ne semble avoir aucune prise sur elles.
Toujours rieuses, optimistes et fonceuses, malgré les aléas de la vie, les peines de coeur et tout le tralala. Toutes (y compris môa) sont toujours prêtes à fêter la moindre occasion pour boire un petit godet !

So est mariée, bien installée dans sa maison de Picardie, et maman de 2 adorables petits monstres. Ses 35 ans lui foutent un poil le bourdon car "elle ne vit que pour eux, se voit "vieillir" et se demande comment ses fils seront plus tard, quand elle ne sera plus là".

De notre côté, nous trentenaires mi-célibataires mi-en couple mais pas complètement non plus, sans enfants ni alliance au doidoigt, on se demande parfois à quelle sauce octogénaire nous serons mangées.
Seules ?
Sans mari ?
Sans enfants ?
A l'heure où Meetic et Adopteunmec.com jouent les entremetteurs, le suspens reste entier.
N'exagérons rien, il ne s'agit pas d'une angoisse paralysante, plutôt d'une pensée désinvolte.
Au pire des cas, nous vieillirons toutes ensemble et serons là les unes pour les autres.

Cette pensée désinvolte devient plus sérieuse lorsque je rends visite à Mamie Doux, comme samedi dernier.
J'ai pris le RER pour rejoindre la banlieue de mon enfance, sous un ciel gris et menaçant. J'ai vu les barres HLM défiler sous mes yeux, sans vie extérieure. J'ai traversé le long sous-terrain aussi terne et menaçant que le ciel au soleil éteint. J'ai longé le trottoir interminable de la rue de Mamie Doux.
Combien de fois ne l'ai-je pas empruntée. Après l'école, le cours de danse ou de piano, le samedi, à vélo ou à pieds, mes gambettes de moineau pédalant, pédalant dans l'unique but de me blottir dans les bras de Mamie Doux, de recevoir ses averses de câlins, la chaleur de sa maison embaumant les gâteaux. Les yeux fermés, je pourrais décrire chaque pavillon de sa rue.

Samedi, j'ai trouvé une Mamie Doux affaiblie et amaigrie. Elle ne m'entend plus très bien, je suis obligée de lui répéter trois fois la même phrase en hurlant. Elle a toute sa tête mais je ne suis pas certaine qu'elle saisisse ce que je lui raconte. J'aimerais tant. Pour faire comme autrefois, lorsque je lui confiais ma vie tandis qu'elle m'écoutait et me rassurait de ses émeraudes espiègles. Mamie Doux était mon journal intime et ma complice.
Mais elle ne me comprend plus, je le vois bien.
Elle ne fait que dormir, allongée dans son fauteuil, en face d'un téléviseur au volume exagérément haut.
Et mon coeur se serre. Je pense à nos moments de complicité, à tous mes secrets confiés au creux de son oreille, à ses mains de fée venant caresser mon dos courbé, vaincu par tout son amour.

Je pense à ses 94 ans, à son fleuve de vie pas toujours tranquille, à ses secrets peut-être, que je ne connaitrais jamais.
Je pense à tous ses enfants et ses petits-enfants qui l'entourent, à ses copines qui viennent lui rendre visite et prendre le goûter. 
Je pense à sa solitude, lorsque tout ce beau monde s'en retourne à ses occupations et que le silence fait écho dans sa grande maison.
A quoi peut-elle bien penser lorsque le sommeil ne veut plus d'elle, que son amie l'insomnie vient la chatouiller ?
Elle ne me le dit pas et ne me le dira sans doute jamais.

Depuis quelques temps, lorsque je la quitte, la tristesse me gagne. Je regarde son grand jardin et ses hortensias centenaires, je me remémore les rires et les grandes tablées d'antan, les infusions de menthe fraîche sirotées sur ses genoux les soirs d'été, ma balançoire qui n'est plus, accrochée au cerisier qui n'est plus, et qui m'emmenait si haut dans le ciel.

Je referme le portail noir derrière moi, je longe une rue parallèle à celle de Mamie Doux, la rue du Conservatoire de musique où j'ai appris le solfège, le piano et fait le clown avec Biquette, tant de fois !

Je passe devant la maison de la grand-mère de Lo, mon autre amie d'enfance. Lo n'est pas scorpion, elle est née en mars.
Tous les volets sont fermés, tout semble en suspens, tellement silencieux. Mon coeur se serre un peu plus.
Lo vient de perdre sa mamie qui s'en est allée, comme ça, du jour au lendemain, après un dimanche en famille.
Lo qui me glisse de bien profiter de Mamie Doux...
Je reprends mon RER pour rejoindre la capitale, je pense à tout ça, aux anniversaires, aux années qui s'additionnent et, avec elles, l'envol des gens qu'on aime.
J'ai fêté trois anniversaires tandis que Lo prépare l'au-revoir de sa Mamie Doux à elle.
Je pense très fort à elle, à ce qu'elle peut ressentir aujourd'hui, à nos enfances et à nos vies d'adulte.
Je voudrais parfois revenir en arrière, au temps des cerises accrochées aux oreilles, des pâtés de sable, des gâteaux de semoule, des lapins nains, d'Alice au pays des merveilles et des balançoires, à tous ces moments où l'on croit être invincibles et nos proches immortels.

Alors parfois, oui, il m'arrive d'avoir un peu la trouille de perdre à jamais mon enfance et ceux qui l'ont peuplée.

Bambou dit souvent que "tant qu'il y a de la vie, il y a de l'humour". Ce soir, il faut croire que je n'en ai aucun.
C'est raté pour cette fois, je ferai mieux la prochaine fois, promis mais que voulez-vous, la vie n'est pas toujours douce.









samedi 10 novembre 2012

Ceux que j'aime ont mon âge

Léger rhume, gorge qui gratte, temps de toutou mouillé, de bons prétextes pour passer une partie de mon samedi sous la couette.
Cette semaine, malgré la fébrilité de mon état, ma copine Kaly a eu la bonne idée de me faire la surprise d'un petit dîner improvisé.
Kaly a 43 ans, un accent charmant venu du Nord, la blondeur et les yeux suédois.
20 ans de mariage, un divorce, pas d'enfants ; elle a longtemps vécu à New York avant de s'installer à Paris.
Kaly a de la classe, Kaly est une fille discrète et drôle qui cache bien ses petites fêlures.
On parle de tout et de rien, je lui demande comment va son chéri, si ses parents l'ont accepté.

Car depuis quelques mois, Kaly a un amoureux plus jeune qu'elle. Traduction : il a 15 ans de moins et toutes ses dents ;)
Ses parents sont contre cette relation puisque :
1. son amoureux est plus jeune qu'elle.
2. en plus d'être jeune, il est noir.

Racistes, les parents ?
Je n'en sais rien. Je ne crois pas. Peut-être une volonté farouche de s'approprier la façon dont leur fille devrait être heureuse.

Kaly et moi partageons ce point commun d'avoir des parents qui ont érigé nos hommes en tabou.

Mister G a beau être pleinement dans ma vie, il est devenu le sujet inexistant des déjeuners dominicaux en famille. On parle de tout mais pas de CA.
Quel est l'os dans la moulinette ? Bah, Mister G a 15 ans de plus que moi, quelques fils argentés dans ses cheveux et, c'est indéniable, une myriade de signes d'expression charmants sur son visage. C'est certain, il a vécu plus que moi, que pouvons-nous y faire l'un et l'autre ? Rembobiner la K7 dans le magnéto pour réécrire l'histoire ?
Ces signes du temps n'en font ni un moins que rien, ni un pantouflard ou un grabataire se traînant en charentaises et déambulatoire, mais pour les miens, ils ne pardonnent pas.

Le jour où j'ai sautillé de joie à l'idée de leur faire partager mon nouveau bonheur, sans pour autant vouloir officialiser la chose, je les ai entendu me répondre que :
- ils étaient contre
- ils espéraient que cette relation s'arrête très vite
- Mister G ne foutrait jamais les pieds à la maison, même s'il était sympathique (oui oui, ils l'ont déjà croisé).
- je devais sans doute avoir un problème quelque part pour m'enticher d'un "vieux". (je ne le fais pas exprès, tout va bien pour moi, merci).
- si on avait un enfant ensemble, la progéniture appellerait sans doute Mister G "Papy" à la sortie de l'école.

Elogieux. Il n'était alors question ni de mariage, ni de faire un enfant ni de vivre ensemble. Juste de partager un bonheur tout neuf, après une rupture qui m'avait ébranlée.

Un jour, j'ai entendu un ami de mon père lui glisser tout bas que j'étais sans doute la "poule" de Mister G, qu'il devait m'emmener dans des endroits luxueux et tout m'offrir.
C'était le jour de Noël et je suis restée muette de stupéfaction.
J'ai eu du mal à digérer le repas de fête, pour tout dire je ne l'ai pas digéré du tout.

Kaly et moi avons appris que l'amour, chez certains, revêt un seul et unique visage, ne laissant aucune place à la diversité, la différence, la tolérance.
Un amour qui choque et qui dérange, figé, empaqueté dans des cases toutes faites, en accord avec des codes moraux préconçus.
Pourtant, nous pensions que le bonheur était inattaquable.

Tomber amoureux... Loin est la magie de l'instant, cet état impromptu qui s'empare de nous sans crier gare.

L'âge ou la couleur de peau sont-ils des tares, un frein à des sentiments sincères ? La longévité et le bonheur d'un couple en dépendent-ils ?
Et si nous avions annoncé être tombées amoureuses d'un Arabe, d'un Sumo, d'un unijambiste, d'un juif ou... d'une femme ?
Quelle différence cela peut-il bien faire ?
Je m'interroge.

Dans le très beau et autobiographique "Une année studieuse", Anne Wiazemsky décrit sa relation avec Jean-Luc Godard, de presque 20 ans son aîné. L'histoire se situe à l'aube de mai 68 et dans la famille Wiazemsky, cette relation est odieuse.
En 2012, il semble que les mentalités n'aient pas beaucoup évolué dans certaines chaumières.
Je retiens cette phrase très juste que l'auteur a écrite : ceux que j'aime ont mon âge.

Et dans un éclat de rire, je lance à Kaly : tu imagines si j'avais annoncé à mes parents que Mister G était vieux ET noir ?

Ce soir-là, Mister G était parmi nous. Je l'ai vu rire et sourire malgré les intolérances et les clichés.
Je l'ai regardé, j'ai regardé Kaly, j'ai vu son regard doux azur, rieur, pourtant emprunt d'une tristesse finement dissimulée et j'ai pensé que oui, vraiment, les gens que j'aime ont mon âge.








mardi 6 novembre 2012

Le boeuf s'appelle Robert

Depuis que la Réinsertion Professionnelle s'est emparée de moi, mes journées ressemblent à des bulles de champagne coquines et aériennes.
Je fête novembre, la pluie, le froid, je fête les semaines à coup de sorties entre fifilles, de shopping, je fête la magie du cinéma, ma famille, mes amis, l'amour, Mister G et les petits repas en amoureux.



Par un samedi morne et pluvieux, avec Mister G, nous avons voulu fêter un petit coin chaleureux pour nous réchauffer, accompagné d'un repas réconfortant et d'un feu de cheminée. J'ai oublié de préciser : tous les deux, nous a-do-rons la bonne chair.
Oui, un feu de cheminée.
Un Paris aux allures de campagne.
Impossible ?
Oh que non !
Au coeur de la vieille capitale, il existe un endroit aux allures de campagne.
Avec sa devanture lis de vin, il peut passer inaperçu.
Et il faut se hisser sur la pointe des pieds pour apprivoiser l'intérieur.
L'endroit est connu et reconnu, il ne s'agit pas d'un nouveau resto à la mode. Mais nous, on aime bien le tradi !
Il y a toujours beaucoup, beaucoup de monde. Beaucoup de touristes. L'endroit est polyglotte, donc dans tous les guides de voyage. Difficile d'accéder à son petit coin de verdure sans une réservation à l'avance.
Nous sommes arrivés à l'improviste, pas bien réveillés d'une soirée arrosée-hilarante et le bol fût avec nous ! Nous avons  festoyé à la grande table en bois, côté cheminée.

Dans cette campagne là, tout est bon, tout est 100 % produits du terroir.
Les spécialités : à peu près tout ce que propose la carte, notamment le boudin, les rognons, la côte de bœuf et l'entrecôte. Et cuits au feu de bois, s'il vous plaît. On se croirait chez Tata. Ca parle un peu fort, les viandes se colorent sur le feu, ça crépite, ça s'enflamme, c'est chaud, vivant, authentique.





 











J'ai fêté une bonne entrecôte et mis une sacrée entaille à mon végétarisme alétoire.
Bref, en ce moment, je fête à peu près tout et n'importe quoi.
Sans doute le bonheur de phagocyter mes moments d'antan de frustration et de rattraper le temps perdu !

Ah oui, j'oubliais : entre Paris et la campagne, il y a le boeuf, et il se prénomme Robert et Louise.
http://robertetlouise.com/

vendredi 2 novembre 2012

V




Les joies du jour férié ! 
Béni soit le calendrier !

Il pleut non stop, le bleu du ciel a foutu le camp, le froid naissant réussit à pénétrer ma forteresse de manteau. 
Je m'en fiche !
Cette semaine, j'ai appris une grande nouvelle.







Je fus d'abord convoquée dans le bureau du Big Boss, tout là-haut, dans la grande tour. 
Je n'aime jamais trop ça, les rendez-vous formels, dans le bureau d'un Boss. Il y règne un silence solennel, empli de mystères, de secrets, les murs sont les témoins de grandes décisions.
On se tient soudain plus droit, presqu'intimidé, la voix se fait basse, les secondes ralentissent.

J'ai grimpé l'escalier biscornu, grinçant sous mes pas curieux de savoir à quelle sauce j'allais être mangée ;)
Je m'en doutais un peu.
Ils étaient trois à m'attendre. Big Boss, le gérant et le directeur financier. 
Bien, bien, bien.
J'ai fermé la porte, je me suis assiste et j'ai attendu que ça tombe.

Je vous la fais courte. Le Big Boss est vraiment satisfait de mon travail (pourvu que ça dure !).
Il veut me garder.
M'embaucher.
Et me propose un CDI, à signer à la fin de l'année. 
Je deviendrai chef de projet dans le monde de l'audiovisuel et du Cinéma.

A ce moment précis, j'ai envie de me rouler par terre ou dans la boue, de lever mes mimines d'athée vers le ciel, de crier MERCI.

Comment vous dire ? Je n'ai pas encore signé, pourtant la fin du calvaire est proche.
Je vais pouvoir souffler, respirer, ne plus m'inquiéter, ne plus voir la gueule désespérante et sans vie de Pôle Emploi.
Finis les attentes interminables chez PôPôle, les "je ne sais pas", les "on ne peut rien faire" et les "on ne peut pas vous aider", les yeux de merlan frit qui ne vous regardent pas vraiment, la paperasse inutile à fournir, les descentes de morale...

Pôle Emploi - et notre système vérolé - est un voleur de sourires. Il me l'a volé plus d'une fois mais jamais complètement. 
Et il y a une chose qu'il ne m'a jamais ôté : l'espoir...
L'espoir de retrouver un job, l'envie de me battre et de ne jamais lâcher.
Loin d'être une roue de secours, ce nouveau job est une continuité, une belle opportunité qu'il fallait saisir en plein vol. 
Quant à mon métier de journaliste, je le continue le week-end, pour quelques piges. 
Et je ne désespère pas de faire un jour de la radio !
Je vois l'avenir comme un chemin parsemé de cerisiers japonais, clair et ensoleillé, comme une éternelle journée de printemps.
Je vois un avenir plein de possibilités.

Comme dirait Mamounette, ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
Ok, je n'ai encore rien signé.
OK, tout peut arriver.
Mais quand même ! Je ne pouvais pas ne pas partager cette nouvelle avec vous, sur ce blog que j'ai lancé en plein marasme, il y a un an à peine.

Comme quoi, la comtesse de Ségur avait raison.
Après la pluie, le beau temps...