jeudi 3 mai 2012

J'ai fait un rêve

De là où je suis, le bleu de la mer me fait face et m'encercle.
Bali, la Corse, St Barth, l'île aux moines, Capri... Peu importe l'endroit.

Ma chambre d'hôtel est petite et proprette. Le parquet suranné grince sous mes pas et embaume la cire fraîche. Un vieux bureau d'écolier m'a accueillie quand j'ai poussé la lourde porte en chêne. Ainsi qu'un bouquet d'hibiscus et de fleurs des champs arrangé dans un soliflore en étain. J'ai souri.
Je l'ai méritée, cette chambre simple et coquette. Il m'a fallu partir à l'assaut du dernier hôtel perché tout en haut d'une impasse biscornue.
Ma chambre donne sur un balcon minuscule embaumant le jasmin, agrémenté d'une table et d'une chaise de jardin en fer forgé, offrant une vue imprenable sur l'océan. Quelle chance !

C'est la fin de journée et le soleil décline, laissant à la clarté orangée du ciel un sursis d'existence.
Je m'approche doucement du balcon contre lequel je m'appuie pour prendre une ample inspiration et emmagasiner les embruns du bonheur.
Je scrute l'océan infini, hypnotisée, me demandant combien de secrets a-t-il bien pu emporter avec lui.
Nous avons tous des secrets. J'en ai quelques-uns que je préserve farouchement.


Je suis donc partie. Pffft... comme ça, une poudre d'escampette, sur un coup de tête, comme une adolescente en fugue.
Je n'ai jamais fugué ni fait tourner mes parents en bourrique.
J'ai toujours été une fifille bien sage, jamais un mot plus haut que l'autre malgré mon petit caractère affirmé, jamais une remarque déplaisante, toujours à l'écoute et compréhensive, jamais dans le jugement.
Ai-je fait quelques bêtises ? Heu... à part voler un oignon et un camembert dissimulés dans mon Defelcote, je ne vois pas.

Ca m'a pris sans réfléchir, comme un bug d'ordinateur qui ferait disparaître tous les petits dossiers enregistrés avec soin depuis des mois.

J'ai ouvert ma grande armoire Ikéa que je ne peux plus voir en peinture, j'ai réfléchi à ce que je pouvais emporter. Pas grand chose dans mon petit sac, des hauts colorés surtout, pour partir légère et de bonne humeur.

J'ai regardé mon compte en banque à - 400, j'ai fait comme si tout allait pour le mieux. J'ai bifurqué vers mes économies et dans un bref éclair d'absence de lucidité, j'ai décidé de taper dedans, telle une petite souris grignotant les miettes d'un gruyère.
J'ai réservé les billets et je suis partie sans me retourner. Je sentais que chaque pas vers l'inconnu me délestait de mes petits cailloux.

Les doux chuintements de la mer parviennent jusqu'à ma chambre.
Je suis allongée, comme en apesanteur, un vent léger vient soulever les rideaux en lin beige virevoltant dans le vide.
Bercée.
Je ne pense plus à cet infernal sentiment d'inutilité dans cette étrange société, de ne plus avoir du tout envie de travailler. Merci qui ?

Je crois que je me suis endormie, vaincue par le discret fracas des vagues.
En me réveillant, il faisait nuit mais pas noir. Une petite bougie veillait sur moi, renvoyant en ombres chinoises ses comètes de lueurs dansantes sur le mur ocre.

J'ai dû rêver. Oui, j'ai rêvé. Je m'en souviens.
J'ai rêvé de ce jour où tout a commencé.
C'est un dimanche de fin novembre. Il fait gris, j'ai le cheveu gras et le moral d'un dimanche hivernal. A cette époque, j'ai la chance d'être en CDD et je suis fraîchement célibataire.
Je retrouve mon frère en fin d'après-midi pour finir en beauté cette journée sans intérêt.
Et puis Mister G nous rejoint. Il était ami avec mon frère.
Comme à chaque fois que Mister G apparaît dans mon champ de vision, une seule pensée parasite mon esprit : "oh non, encore lui !". Allez savoir...

Dans mon rêve, Mister G et moi avons dansé toute la nuit, enlacés par des musiques entraînantes et des baisers passionnés. Ce soir-là, j'ai fait connaissance avec sa peau si douce, ses lèvres confondues aux miennes.

Dans mon rêve, j'étais sur un bateau amarrant et je ne voyais que lui, attendant de me cueillir sur le port nocturne, nimbé de sa lumineuse aura, dans son impeccable chemise blanche tranchant avec sa peau burinée par le soleil des îles. Je le vois, lui et son sourire heureux, je vais pouvoir le toucher et mes poumons se déploient amplement.

Il y avait aussi d'immenses plages sauvages de sable blanc, des lagons des Caraïbes dans lesquels je plongeais à gorge déployée, confiante et halée ; d'interminables routes de montagnes Corses, des tentes plantées au milieu de la garrigue et des oliviers centenaires pour abriter nos nuits d'amour étoilées.
Et encore des vignes à perte de vue, des saucisses lyonnaises pendues au dessus de notre couche (étrange, je sais...), des rires de connivence, des promenades en vélo surplombant des horizons de mer confondus à l'azur du ciel, de grandes routes lumineuses et des bains de soleil mordant notre peau, des tourbillons de vie et d'amour à donner le tournis, à en perdre le fil de l'équilibre, un gouffre vertigineux de plaisir.

Dans mon rêve, des papillons auréolés d'un halo scintillant se posaient tel un délicat flocon de nuage au creux de ma main, petits papillons virevoltant autour de moi et en moi... Vous savez, ces papillons qui s'agitent dans le ventre lorsque l'être aimé s'imprime dans votre rétine et votre coeur pour ne plus s'y déloger.

Après, je ne sais plus, je me suis éveillée.

Le murmure du village et les cliquetis du port parviennent jusqu'à moi. J'ai faim, le voyage m'a creusée.
Je vais descendre grignoter un bout avant de partir fouler le sable, sentir ses grains microscopiques procéder à un exquis massage de ma voûte plantaire.
Quelle heure est-il ?
Je n'ai pas emporté ma montre, peu importe. Parfois, il est bon de suspendre le temps.
De s'accorder une parenthèse.
Pendant laquelle le songe et la réalité se confondent.






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