dimanche 15 juillet 2012

La chevelure rousse

Ce soir, j'ai envie de vous conter une histoire.
Une histoire d'amour aux couleurs automnales.
Une histoire vraie.
Celle de la Belle et de Mister Y.
Lorsque la Belle rencontra Mister Y, son âme ne succomba pas immédiatement.
Il fallut être patient.
De rencontres en discussions brûlantes, il fallut attendre mon chômage d'antan pour que le coeur des tourtereaux s'enflamme.
Car mon chômage engendra une soirée. Il me fallait bien quelques proches amis et élixirs viticoles pour digérer mon écart temporaire de la vie professionnelle.
La Belle et Mister Y étaient de la party.
Ah, le chômage et ses effets collatéraux...

Dois-je me féliciter d'avoir été leur involontaire Cupidon ?
Les deux amoureux doivent-ils bénir ma mise sur le carreau professionnelle pour les avoir réunis en cette soirée arrosée ?
Je ne sais pas, je ne sais plus.

Trois ans se sont écoulés depuis la rencontre de la Belle et de Mister Y.
1095 jours ont passé, tricotés de hauts, de voyages au bout du monde, d'îles turquoises et romantiques, de sonates de rires, de caresses insatiables, de vie à deux, de projets, et de bas, agrémentés de petits mots assassins, aigres plutôt que doux, toujours regrettés, et de ruptures diverses et variées.

Je me souviens d'avoir récupéré une Belle malheureuse de ces échecs, pétrie de convictions amoureuses, elle qui souhaitait bâtir un temple pour abriter leurs connivences, elle qui l'avait dans la peau.



Mais la Belle est pleine de ressources.
Face à l'amant qui la lâcha plus d'une fois sans crier gare, plein de contradictions amoureuses, elle se releva, emplie de sentiments partagés, entre amour et colère.
Chaque fois, elle le défia.
Après de longs mois d'isolement à couper tous liens avec le bourreau de son coeur, à régurgiter sa peine et à tenter de maîtriser les coups de boutoir de son coeur épris, elle se décidait toujours à teindre sa longue chevelure châtain clair d'un roux flamboyant, d'un roux arrogant, d'un roux de conquérante.
Le roux... couleur adorée de Mister Y.
Pour nous tous, cette incroyable rousseur réchauffant son teint d'opale était le pansement sur son coeur.

A chaque rupture, la rousse l'emportait sur le noir de cette relation vouée à l'éternité et la relevait, plus forte, bien déterminée à ne plus succomber à Mister Y, s'il devait réapparaître devant ses prunelles humides.
La belle la Rousse... telle Mélisande envoûtant Pelléas de sa longue chevelure que l'amant tente de nouer aux branches d'un arbre pour mieux la retenir.

Pourtant, le destin n'eut de cesse de remettre ces deux-là sur le même chemin pour mieux les tournebouler.
Il pouvait se passer des mois entiers pendant lesquels la moitié de l'un tentait de reprendre (sa) vie sans la moitié de l'autre.
Il suffisait que la chevelure de la Belle éclabousse de sa rousseur nouvelle pour que Mister Y réapparaisse, par le plus incroyable des hasards.
Chez un minuscule traiteur italien, dans une rue alambiquée de Paris, dans cette soirée improbable où personne n'aurait voulu aller, sauf eux deux...
Eux qui mènent des vies radicalement opposées et ne fréquentent pas le même cercle.
La chevelure rousse au pouvoir ensorceleur !

Il y a quelques mois, Mister Y et La Belle se quittèrent.
Dernier endroit de leurs retrouvailles impromptues : devant une caisse isolée du BHV !
L'amant n'y met jamais les pieds.
Quand : hier.
Date de la chevelure teintée en roux : semaine dernière.

La chevelure rousse envoie-t-elle ses éclats lumineux et désirables jusqu'à son amant perdu et rêvé en douce, passionnément ?
Le destin s'en mêle-t-il ?
La Belle et Mister Y retombent toujours en amour dès qu'ils se croisent, plus vivants que jamais dans les bras l'un de l'autre, malgré les larmes, les ruptures, l'incompréhension, toutes les bonnes résolutions qu'ils s'étaient sans doute promis de tenir.
Non, la Belle et Mister Y ne sont ni fous, ni hystériques, ni maso.
Le visage de leur amour en est un parmi tant d'autres, anonyme, vécu par des milliers d'autres couples. Une histoire banale mais unique à leurs yeux.

Quant à moi, je demeure le témoin de cette idylle romanesque, née le jour de mon licenciement économique, jour qui scella leurs lèvres charnelles.
Comme quoi, le chômage profite parfois à certains !

La vie est en perpétuelle mouvance, faisant basculer et évoluer nos certitudes bien confortables que nous pensions inébranlables. Les bonnes phrases toutes faites : "Comment ça ! Vivre ça ! Moi, jamais !": au placard !
Les certitudes volent en mille éclats lorsque nous nous retrouvons pris dans le tourbillon de la vie et de son apprentissage, et les insaisissables méandres de l'amour, sentiment aussi puissant qu'irrationnel qui nous fait perdre la raison et sentir si vivants.
Quelque soit la forme de son visage, nous aurions bien tort de le juger !

La Belle, de son véritable surnom Biquette, est ma soeur de coeur.
Et elle n'est jamais aussi épanouie et magnifiée que lorsqu'elle redevient rousse et... amoureuse.


Petite lecture, au passage :
Pour mieux comprendre les dessous de l'Amour, pourquoi cet amour-là et pas un autre, pourquoi la souffrance et l'état de félicité extatique dans lequel nous plonge ce sentiment universel, un livre ensorceleur, incroyablement bien écrit :
"Je t'aime à la philo", de Olivia Gazalé (Ed. Robert Laffont)







1 commentaire:

Anonyme a dit…

au Moyen Age les rousses allaient au bucher, elles étaient des sorcières. Se teindre les cheveux donnerait donc un pouvoir maléfique à votre amie? Aussi, a-t-elle bien fait de se séparer de son mister Y. la seule réalité est celle de nos instincts penchant vers la félicité entre richesse et pauvreté, le paradoxe de l'amour.Manouchk