mercredi 25 janvier 2012

Comment je suis devenue exploitante de "débit de boissons"

Il y a quelques mois, Bambou et moi avons décidé de passer au plan A pour nous en sortir par tous les moyens. Objectif : monter un petit bar à vins sympathique. Nous avions tout le concept dans la tête et nos proches derrière nous ! Rien d'autre que de l'épicurisme : des bons vins et produits du terroir, de la musique et des expositions photos. Petite, Bambou voulait être charcutière. Elle se rêvait devant la trancheuse, à transformer Cochonou en belles tranches épaisses. Autant dire que ça tombait bien !

Donc, je file voir mon conseiller Pôle Emploi, "spécialiste des Médias". Il doit avoir mon âge, pourtant, j'ai l'impression qu'il a pris dix ans sur les tempes depuis la dernière fois que je l'ai vu... il y a un an.

- Bonjour, je souhaite monter un bar avec mon associée et je dois faire la formation "Permis d'exploitation". C'est 700 € les deux jours et demi. J'ai le droit à une aide ?

Mon conseiller et ses yeux de merlan (mort et frit, le merlan) :

- Heu... non, Pôle Emploi ne peut pas vous financer, il n'y a pas d'argent. Il faut demander à un organisme de financement.
- Oui, mais j'ai fait une formation Radio il y a 6 mois, déjà financée par l'organisme M. Je ne suis pas sûre qu'il accepte de m'aider une nouvelle fois.
- Demandez-lui quand même. S'il accepte, même à hauteur de 20 €, on complètera la somme. On dispose d'une enveloppe de 2000 €.

Je ne saisis pas la cohérence du propos.

Moi, un brin nerveuse :
- Vous me dites que vous ne pouvez pas financer ma formation mais que vous avez 2000 €... Et si l'organisme M refuse ?
- Et bien on ne pourra rien faire.
- Mais vous avez bien 2000 € de disponible ?!!
- Oui mais non, ce n'est pas possible. Si vous étiez venue me voir il y a 6 mois, on aurait pu vous aider, mais là...
- Il y a 6 mois, vous m'avez dit que vous n'aviez pas d'argent pour ma formation radio !

Mon conseiller a le teint couleur crème fraîche, mais qui aurait tourné au soleil. Ses mains doivent être molles et moites.

Moi, dépouillée :
- Ecoutez, j'ai des projets, je veux m'en sortir, prendre les devants, rester dynamique.

Lui, d'une voix atone :
- C'est comme ça. Je ne peux rien faire pour vous. Et puis, vous arrivez bientôt en fin de droits. Vous allez perdre votre carte de presse, bon bah c'est pas grave, hein ?

A ce moment précis, je ne sais pas si j'ai eu l'envie de rire ou de lui balancer sa paperasse et son agenda immaculé de vide à travers la figure. Ni l'un ni l'autre. Il avait l'air plus démuni que moi, étriqué derrière son bureau, incapable, lui aussi, de comprendre quoi que ce soit à cet imbroglio kafkaïen, né de la fusion ratée entre Pôle Emploi et l'ANPE.

Il m'a pompé toute mon énergie. Je suis ressortie vidée de cet entretien surréaliste.

Finalement, Bambou et moi avons pris les devants.
J'ai fait ma formation grâce au financement intégral de l'organisme M, et je me suis éclatée !
Nous avons rencontré plein d'agents immobiliers au sourire carnassier. Ils nous ont fait visiter des bars miteux au montant exorbitant ou immenses, comme si nous allions monter un supermarché Carrouf ou une succursale de Citroën.
Et pris des rendez-vous avec des banquiers dépressifs. Ils ont prévenu : sans expérience dans la restauration et avec un maigre apport, l'entreprise serait délicate et le taux de remboursement explosif... Crise oblige.

Bref, nous avons mis notre projet de côté.
Aujourd'hui, j'entame un parcours du combattant pour toucher des aides complémentaires à l'ASS et retrouver un job.
Quant à Bambou, un urticaire géant vient de prendre possession de son corps, de la racine de ses cheveux de geai à la plante de ses pieds.
Voilà comment, après journaliste et auteure, je suis devenue exploitante Licence IV de débit de boissons !!

Oui, vraiment, quelle douce vie...



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