lundi 12 mars 2012

Les cases, Belinda et moi


Belinda fait partie des doigts de ma main. Elle est mon amie rare, ma soeur de coeur.

Notre amitié est née lors de nos 12 ans. L'une comme l'autre, nous n'avons aucun souvenir du premier jour de notre rencontre...

Belinda a un an de plus que moi. Nous n'avons jamais partagé les mêmes classes, les mêmes copines de récré ni les mêmes petits amis. En revanche, nos maisons se situaient à une rue de distance... Nous passions notre temps à nous raccompagner mutuellement, jusqu'à ce que nos mères capitulent et proposent à l'une de dormir chez l'autre.

Nous avons tout partagé ensemble, nos vacances, nos anniversaires, les fêtes de Noël, Barbie et Ken, les paquets de bonbons à 5 francs, les dents de sagesse arrachées, les histoires d'amour, nos secrets les plus inavouables...

Des années de nuits blanches à engloutir des Mentos et à nous raconter nos rêves, de fous-rires, de fêtes, de consolation...

Le temps file, les kilomètres ont parfois mis une distance physique entre nous, notre amitié est restée. Inébranlable.

Lundi, premier jour de la semaine.
Temps radieux, première terrasse au soleil et premier coup de fil de ma journée. Belinda.
Toujours immobilisée chez ses parents, toujours à soigner sa hernie qui peine à quitter son corps affaibli par des mois de douleurs, de Morphine et de Codéine, Belinda a craqué. J'entends les larmes dans sa voix brisée.

Nous n'avons ni les mêmes vies, ni les mêmes goûts, nous sommes différentes.
Je suis brune aux yeux noisettes, cheveux raides, Belinda a hérité de la beauté nordique, cheveux blonds de Boucle d'Or, yeux lagons.
Au soleil, je me tartine de Monoï pour mieux griller, elle protège sa peau laiteuse à l'Indice 50.
J'aime le rose, elle est plutôt jaune et marron.
J'ai appris le piano, elle le violon. Notre amitié, c'est aussi une valse de partitions, de blanches, de noires, de doubles croches.

Pourtant, les coïncidences sont parfois troublantes.
Elle, sa rupture sentimentale de rentrée.
Moi, ma rupture sentimentale d'il y a deux ans.
Elle, la hernie discale après sa rupture.
Moi, les oreillons (oui, oui, les oreillons à 33 ans, la maladie infantile qui fait un visage de saucisse soufflé ou de femme enceinte de 24 mois, au choix) après ma rupture et un appartement repeint pour faire table rase du passé.

Elle, sa recherche d'appartement à Paris.
Moi, la traque d'un job.

Elle, la rencontre avec Mister T.
Moi, la rencontre avec Mister G.
Les deux Mister ne portent ni charentaises ni dentier, ils sont vifs, drôles et rock, ils conduisent des Triumph et retapent les vieilles voitures, Mister G et Mister T sont tous deux photographes... Mais ils ne se connaissent pas.
Nous n'avons rien prémédité.

Belinda :
Coucou, c'est moi. 

Moi :
Comment te sens-tu ? Mieux ?

Belinda, petite voix qui y croit :
En ce moment, j'ai le moral comme les montagnes russes. Un coup ça va, un coup j'ai le cafard, j'ai envie de pleurer. J'aimerais retrouver une humeur égale.

Moi, compatissante :
C'est normal. Tu as traversé des moments difficiles, ta rupture, le retour de ta province, ta recherche d'appartement et puis ton alien Hernie.
Il faut croire qu'après nos périodes d'accalmie où tout allait bien, le coup de trafalgar nous attendait au tournant.  Tout va trop bien ? Attention !!! La couille t'attend dans le potage !

B., les trémolos dans la voix :
Je n'en peux plus d'avoir encore mal, de tourner en rond, telle une lionne en cage. J'étouffe, je voudrais retourner dans mon nouveau chez moi, à Paris !

Moi. :
Tu entreprends une mue. Ton corps exprime ta tristesse, mais tu vas voir, tu vas renaître avec le printemps ! 

B. :
J'ai hâte ! Et puis, j'en ai assez de prendre tous ces cachetons. J'ai mal au bidon.

Moi :
Au fait, tu as eu des nouvelles de Mister T ?

Mister T = amant de longue date, perdu de vue, retrouvé = relation (re)lancée il y a peu.

B. :
Pas vraiment. En même temps, je ne m'attends à rien de spécial. On se fait du bien, c'est tout.

Moi :
Tu sais où tu vas avec lui ?

B. :
Ah mais je ne vais nulle part, je ne prends aucun bus ! Je ne suis pas prête, je me remets déjà de ma rupture.

Moi, dans un fou-rire :
Les hommes sont parfois incroyables... L'histoire des enfants, par exemple... On leur dit qu'on veut des enfants, ils prennent parfois un air étonné : " ah bon, tu veux des enfants ? Tu ne veux pas plutôt un chien ? "Bien sûr, un chien ! Je vais accoucher d'un Labrador, qu'en penses-tu ?"

B., hilare :
Quand mon ex me disait qu'il ne savait pas s'il voulait des enfants, avec le recul, j'aurais dû comprendre : ben non, j'en veux pas. Un homme qui te dit qu'il ne sait pas est un homme qui ne veut pas. C'est mal barré...

Moi :
En même temps, quand on rencontre quelqu'un, c'est un peu délicat de lui demander son Cv, s'il compte avoir des enfants et quand. L'amour, ce n'est pas remplir les cases d'un tableau Excel. C'est comme la vie. Je me refuse d'entourer les dates du calendrier en me disant qu'en juin je me case, en juillet je me marie et en décembre, je tombe enceinte !

B. :
On ne se posait pas ces questions à 20 ans. On commence peut-être à être adulte… un peu…

Moi :
La dernière fois, Mamounette m'a dit qu'avec mon père, ils n'avaient plus d'espoir avec moi.

B. :
Comment ça ?

Moi. :
Je n'ai pas d'enfants, je batifole, et ne parlons même pas de Mister G qui est plus âgé que moi. Plus d'espoir d'être grand-parents, comme si je ne tomberai jamais enceinte, comme si j'étais une anomalie dans la chaîne Reproductive. C'est dur d'entendre cela. Déjà que je suis au chômage...

B. :
Mister G n'est pas canonisé et puis tu fais ce que tu veux ! Faisons-nous des enfants pour devenir grand-parent ?...

Moi :
... Et ne pas finir seuls ? 

B. :
Mes parents me laissent libre et ne me jugent pas. Mais je sens bien qu'ils se posent des questions, du style "elle s'est séparée après 7 ans de vie commune, que va-t-elle devenir ?".

Moi. :
Comme si nous étions des cas, ou des muffins qui enflent tellement que nous ne rentrons pas dans les moules. Mais je ne veux pas d'un amour prémédité !

B. :
Meetic, non merci... 

Moi :
Peut-être que les parents en général se demandent parfois ce qu'ils ont loupé dans leur éducation pour que la vie des enfants ne corresponde pas à ce qu'ils avaient imaginé.

B. (je l'entends s'allumer une cigarette) :
Nous sommes le fruit d'un amour, avant de devenir Nous, avec nos aspirations et nos contradictions. Nous décidons de notre vie du mieux que nous pouvons. L'éducation n'a rien à voir la dedans. Et tant pis pour les cases !
Moi, entamant le croûton de la baguette de pain :
Il n'y a pas de cases, plutôt un droit à la différence et à la tolérance. Parfois, tu ne te sens pas regardée comme si tu étais "différente" ?

B., revigorée :
Oh ! Que oui !

Moi, songeuse mais pas stressée :
Et si nous n'avions pas d'enfants ? Déjà que nous n'aurons pas de retraite...  

B., enthousiaste :
Il y aura nous !

Moi, réconfortée :
On vivra dans le Sud, illuminées par le soleil, je porterai de longues robes fleuries de poétesse, à fumer de longues cigarettes au milieu d'un champ de lavandes et j'écrirai, je passerai mon temps à écrire des romans et à traire les chèvres !

B. pleure mais de joie, cette fois :
Je roulerai des cigarettes magiques, je tricoterai moufles et écharpes pour les petits-enfants de mon neveu et de ma nièce, et je cultiverai les plantes pour en faire des tisanes maison ! Les placards regorgeront de tisanes, partout, il y en aura partout !

Moi, regardant le pain qui s'est transformé en demi-baguette : 
Ca fait du bien de rire !

B. : 
Oh que oui, ce soir, je vais bien dormir.

Moi :
Je t'embrasse. On se rappelle. Prends soin de toi et n'abuse pas trop des plantes ;)

Clap de fin.
























1 commentaire:

Anonyme a dit…

Case B12 : trentaine bien entamée, célibataire et sans enfant... la même anomalie de la chaîne reproductive semble t'il !