vendredi 2 mars 2012

Réminiscences...

Je me souviens des mercredis à colorier dans l'antre protecteur de sa maison, des samedis à jouer dans son immense jardin, entre balançoire et bac à sable.

Je me souviens de ses plats légendaires : boudin noir du Limousin, croque-monsieur quatre étoiles, pot-au-feu, gâteau de semoule et moelleux au bon beurre de la ferme.

Je me souviens de la sonnerie retentissant dans la classe embaumant la craie et la colle Cléopâtre, annonçant la fin de l'école, courir jusqu'à elle, le cartable sur le dos, pour me blottir dans ses bras.

Ses goûters prenaient des allures de pain perdu et de crêpes Suzette.

Elle m'a fait aimer le roquefort en tartinant la tranche de pain d'une noisette de beurre, la salade d'endives en y glissant quartiers de pomme et noix, et le Porto, en me faisant tremper mes lèvres adolescentes dans ses verres à pied scintillants.

Je me souviens de ses mains douces, si douces, me câliner, me frotter le dos, me border, me protéger, me réconforter, me donner force et confiance.
Ses mains sont toujours aussi douces, d'une douceur incroyable, et elles appartiennent à Mamie Doux, ma grand-mère maternelle...

Aujourd'hui, j'ai quitté Paris et le métro, direction le RER, direction ma banlieue natale.
Je suis allée rendre une petite visite à Mamie Doux qui vit quelques temps chez mes parents, en attendant que les derniers frimas disparaissent.
J'essaie de lui raconter ma petite vie mais ce n'est pas évident car elle devient un chouia sourde de la feuille.
Et puis, entre le RSA, l'ASS, le Pôle Emploi, la CAF, difficile pour elle de suivre mes péripéties et pour mon gosier égratigné de crier pour qu'elle m'entende.

Toutes les deux, nous avons notre petit rituel. Comme à chaque fois que je vais la voir, je lui fais une beauté des mains. Mamie Doux a des longs doigts de fée, des doigts d'élégante.
J'adore lui faire les ongles.
Et elle aussi...

C'est parti pour un atelier Manucure.
Du rouge pour moi, du Nude pour elle. Aussi loin que je me souvienne, elle a toujours porté cette teinte de vernis naturelle, à son image.

Et voici le résultat :




Ma grand-mère fêtera ses 94 ans ce mois-ci. 94 ans... malgré les aléas de sa longue vie, malgré la guerre, le veuvage, les maladies, même si elle décline et se fatigue plus vite, elle reste incroyable.
Elle a conservé ses vraies dents (si, si je vous assure, aucun dentier !) et sa peau de bébé et de satin qu'elle bichonne à la pulpe de citron, au jaune d'oeuf et à la crème Nivéa (le pot bleu et rien d'autre).
Elle a un sourire éclatant (enfin, dans ses bons jours car elle peut aussi se transformer en Tatie Danielle, hein), une silhouette de mannequin, toute sa tête et un caractère bien trempé.

Mamie Doux est la gardienne de mes secrets. Je lui ai confié toute mon enfance et mon adolescence, mes amours, mes peines de coeur, mes pleurs, mes bonheurs.

Je souhaite pouvoir fêter d'autres anniversaires avec elle, qu'elle ne parte pas trop vite, car ce jour-là elle emportera avec elle la douceur câline de ses mains et de mon enfance.

Avant de repartir, elle m'a scannée de ses yeux vert émeraude, avant de s'arrêter sur mon jean et d'ajouter de sa voix fluette :

- Oh, mais qu'est-ce que c'est que ce jean troué ?
- Mamie, c'est la mode, ça se porte large et avec des trous
- oh mais je vais te donner 5 euros pour t'acheter un jean neuf au marché, ils en font des beaux

Voilà, voilà, c'est dit, façon de me faire comprendre que je ressemble à un sac !


Avant de repartir, Mamie Doux m'a glissé un bout de gâteau au yaourt parce qu'elle adore quand je mange et un petit billet car elle aime quand je vais m'amuser et danser.

- Et surtout, fais-toi belle !

Mamie Doux aime que je ne me laisse pas aller, que je prenne soin de moi.


J'ai donc donné rendez-vous aux copines, Bambou et Lolo, dans un petit bar sympathique du 10ème, pour aller fêter la vie, la joie, le bonheur d'être ensemble.

Cela a donné à la lueur des bougies :

une gloutonnerie de gâteaux apéritif, à défaut de dîner, et quelques verres de Brouilly et de Chardonnay pour rafraîchir nos palais déshydratés à force de pérorer.


une Bambou sortie de sa grippe, survoltée !


une Lolo guillerette, dans une forme resplendissante


Et moi, le coeur léger, un voile de mascara et de gloss pour Mamie Doux, portant le magnifique corsage en dentelles de Calais offert par Mamounette aujourd'hui, et qu'elle enfilait lorsqu'elle avait... 18 ans !!



La magie de toutes ces générations confondues a permis de distiller du bonheur pour une bien belle soirée.

Merci Mamie Doux pour les beaux ongles qui m'ont redonné bonne mine, pour le petit billet qui a mis de la légèreté dans mon quotidien et du vin dans mon verre ;)
Merci Mamounette pour ce bien bel habit qui m'a fait économiser un shopping et un appel du banquier.
Merci les filles parce que c'est bon d'être entre filles !


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je me permets encore un commentaire. Tu sais qu'au moins une personne te lis...;-)
Moi aussi, je me rappelle l'odeur de la colle Cléopâtre...
Très attendrissant ton billet sur ta grand-mère. Je trouve que sur la photo, vous avez les mêmes mains fines. Moi aussi, ma grand-mère est née en 1918, mais, elle n'est hélas plus de ce monde. Joli corsage et bien conservé. Si mes calculs sont bons, elle a dû l'acheter en 1936.
Bon dimanche et @ bientôt de te lire. LN77

La comtesse de Ségur a dit…

Chère LN77

Permets-toi autant de commentaires que tu le souhaites, tu seras toujours la bienvenue ici !
Et ton oeil de lynx permet d'éviter les coquilles d'orthographe ;)

Pour l'année 1936, il faudra que je demande à Mamounette pour avoir confirmation de la date !

et pour les mains de Mamie Doux, je trouve ses doigts tellement plus fins. En tout cas, je ne sais pas si nous avons les mêmes mains, en tout cas, nous avons bien le même caractère !

Beau dimanche à toi aussi et à bientôt !

Anonyme a dit…

Rien n'est plus heureux mais tout aussi nostalgique que les merveilleux moments partagés avec les siens. Une mamie si âgée et si fragile reste la conservatrice de tout et un secret gardé précieusement au fond de son coeur. Il y a beaucoup de choses au fond, au fond, me dit-elle, et tout lui revient. La nuit elle pense et quand elle se réveille,elle se sent si perdue de cette nuit éveillée par tant de souvenirs, qu'elle ne sait plus où elle est.Elle s'angoisse du silence de la pièce vide.Elle fut très heureuse de la présence de sa petite fille. Elle me parle toujours de cette absence de tous ceux qu'elle voudrait à côté d'elle. C'est bien comtesse que vous ayez une lectrice fidèle qui vous réponde. Je serai donc la suivante pour vous convaincre de votre réussite prochaine. Vous paraissez si douée dans vos écrits!Tenez bon, ayez la tête dans le guidon pour foncer. Manouchak.